Non à l’extension de l’euthanasie Tout d'abord, j'aimerais offrir mes sincères condoléances à la famille et amis d’Audrey Parker. Celle-ci est décédée avant son temps jeudi dernier, à Halifax, à l’heure qu’elle a elle-même choisie, aidée par une autre personne. Mme Parker a maintenu qu’elle a choisi d’avoir recours au suicide assisté à ce moment précis parce que, si elle devenait incompétente, elle ne serait plus autorisée à se prévaloir de ce service au Canada. Un cancer agressif et douloureux se répandait de ses os à la membrane de son cerveau.
Mme Parker préconisait l’extension de l’euthanasie aux personnes qui font une demande anticipée d’aide médicale à mourir, même aux personnes ne deviendraient plus aptes à accorder un consentement ultime.
Dans un ultime message sur Facebook, Mme Parker citait le texte proposé par l'organisme Mourir dans la dignité Canada pour un nouveau projet de loi qui porterait son nom. Cette nouvelle loi modifierait les dispositions actuelles du code criminel qui exigent un consentement ultime pour obtenir l'aide médicale à mourir et rendrait l’euthanasie accessible aux personnes devenues incompétentes, mais qui auraient fait une demande anticipée. Ce changement permettrait aux personnes qui souhaiteraient avoir recours à l’euthanasie plus tard de faire une demande anticipée par peur de ne pouvoir le faire dans l’avenir.
Toutefois, l’expérience le démontre que lorsque les malades reçoivent de bons soins dans une résidence spécialisée ou ont accès à des soins palliatifs, et sont entourés de personnes qui les aiment, la crainte de mourir se dissipe. Ces personnes peuvent venir à ne plus vouloir qu’on les mette à mort, mais si la loi était modifiée de la manière proposée par Mme Parker et ses supporters, celles-ci ne pourraient plus changer d’idée si elles étaient maintenant jugées incompétentes.
Un cas est survenu récemment dans les Pays-Bas qui devrait nous faire réfléchir. Une femme qui souffrait de démence fut euthanasiée malgré le fait qu’elle résistait à sa mise à mort. Un médecin ajouta un produit sédatif dans son café à son insu, mais elle continua de résister. Le médecin demanda alors à la famille de retenir cette malade, le temps qu’il lui administre une piqûre mortelle. Le comité régional chargé de vérifier si tout s’était bien passé selon les normes déclara que tout s’était déroulé de manière correcte, que tous avaient agi « de bonne foi ».
Lorsqu’on voit ces mêmes lobbyistes qui se déclaraient être des partisans du libre choix alors qu’ils militaient en faveur de l’instauration de l’euthanasie au Canada en 2016, se déclarer maintenant en faveur de l’extension de l’euthanasie aux patients déclarés incompétents, cela ne peut que nous amener à penser, et démontre bien que la position de ces personnes en faveur du libre choix n’était en fait qu’une illusion. La loi en vigueur protège les personnes qui deviennent inaptes et incapables de faire des choix et de choisir l’euthanasie ou de confirmer une demande faite au préalable, parce qu’il est impossible de savoir si ces personnes désirent toujours de se faire injecter un produit qui mettra fin à leur vie.
Il existe beaucoup de malentendus au sujet de l’euthanasie.
Avant l’année 2016, le Canada – les Canadiens et les Canadiennes – a toujours prohibé le recours à l’euthanasie et du suicide assisté, non pas par désir de mettre un frein à la liberté individuelle, mais afin d’empêcher qu’une personne ne cause ou ne participe de près ou de loin à la mise à mort d’une autre personne.
Encore aujourd’hui, de nombreuses personnes ne comprennent pas bien la différence qu’il y a entre les pratiques médicales tout à fait légitimes qui peuvent être utilisées à la fin de la vie — par exemple l’usage de plus grandes doses de médicaments pour soulager ou enrayer la douleur et l’administration de produits sédatifs — et l’euthanasie. Au Québec, le rapport Mourir dans la dignité a fait erreur en proclamant qu’il s’agissait de la même chose.
L’euthanasie et le suicide assisté sont pourtant des réalités bien différentes que celles de mettre fin à des traitements qui ne font que soutenir la vie. Normalement, lorsqu’une équipe médicale choisit de mettre fin à des traitements à une personne qui est près de la mort, son intention est de respecter les limites de la vie et de laisser cette personne mourir naturellement. Si la personne décède, c’est à cause de sa maladie.
Lorsque le Canada a légalisé le recours à l’euthanasie, il l’a fait pour des situations exceptionnelles. Le Parlement a établi des mesures de protection. Ce que nous constatons maintenant, c’est qu’il y a de plus en plus de groupes qui demandent l’extension des cas éligibles, voir même l’enlèvement de facto de toutes mesures de protection.
Lorsque nous pensons aux personnes handicapées et aux personnes âgées, nous réalisons combien elles sont vulnérables et sujettes à subir les conséquences de divers moyens de coercition. Pouvons-nous alors avoir la certitude que toute personne qui meurt par euthanasie a réellement choisi de mettre fin à ses jours ?
Plusieurs Canadiens et Canadiennes ont manifesté leur objection lorsque la Cour suprême a autorisé l’euthanasie. Par la suite, nos législateurs se sont efforcés de bien définir l’étendue des cas où l’euthanasie serait permise. Combien de mises à mort sans demande ou consentement exprès rendront l’euthanasie et le suicide assisté inacceptables à nos yeux? Si nous considérons ces choses du point de vue de la dignité de la personne humaine, nous devons admettre qu’une seule fois est une fois de trop.
Terrence Prendergast, s.j.
archevêque d’Ottawa et évêque d’Alexandria-Cornwall.