Dans deux semaines, les catholiques francophones du Canada
réapprendront à dire la prière du Seigneur.
L’avant-dernière pétition du « Notre Père », se lit, en français, “Ne nous
soumets pas à la tentation » (en anglais « Lead us not into temptation»)
deviendra officiellement “Ne nous laisse pas entrer en tentation.” Ceci
se traduit en anglais comme suit, “Do not let us enter into temptation.”
Le changement, à ce moment-ci, anticipe la publication, l’an prochain,
d’une refonte complète de toutes les prières utilisées à la messe dans
l’édition française du Missel romain.
Plusieurs pays francophones ont déjà commencé à utiliser la nouvelle
version du Notre Père. Les évêques canadiens ont, donc, décidé de
modifier le texte du « Notre Père » tel qu’utilisé au Canada depuis
1966. Ce changement entrera en vigueur le 2 décembre, le premier
dimanche de l’Avent.
Pourquoi ce changement? Les évêques expliquent que la version
précédente portait les gens à conclure que Dieu les poussait à la
tentation et les poussait à faire le mal.
Les évêques affirment que d’autres passages des Saintes Écritures
indiquent que Dieu ne peut tenter les gens à faire ce qui est mal. Ils
citent l’épître de Saint Jacques, qui dit « Dieu ne tente personne» (1,
13).
Cependant, la question de la tentation n’est pas si simple, car, St. Paul,
dans sa première épître aux Corinthiens, dit que Dieu ne permet pas
que nous soyons tentés au-delà de nos forces et fournit un moyen
d’évasion (10, 13). Les Évangiles montrent également que Jésus fut
guidé par l’Esprit Saint ver le désert où il fut tenté par le diable (Luc 4,
2).
Les évêques ont noté que des demandes répétées ont été faites pour
une traduction qui, tout en respectant le sens du texte original, ne
conduirait pas les gens à tirer des fausses conclusions. La nouvelle
traduction tente de dissiper l’idée que Dieu induit les gens à la
tentation.
Comme on pouvait s’y attendre, quand on lui a demandé son avis, le
Pape François a dit qu’il pensait que l’Église devait modifier la
traduction du « Notre Père » pour clarifier la confusion entourant les
termes « ne nous soumets pas en tentation». Le pape déclarait lors
d’un entretien avec la télévision italienne en décembre dernier : « Ce
n’est pas une bonne traduction ».
Selon le pape, « c’est Satan qui nous conduit à la tentation. C’est le
travail de Satan. Ce n’est pas Dieu qui me pousse à la tentation pour
voir comment je chute. Non, un père ne fait pas cela. Un père nous aide
à nous relever immédiatement.»
Cependant, « ne nous soumets pas à la tentation » est une traduction
littérale correcte du grec original et du texte Latin sur lequel l’Église se
base. La nouvelle version est une traduction «dynamique», une
interprétation du texte.
Personnellement, je ne favorise pas le changement d’un texte biblique
pour lui donner un sens qu’on retrouve ailleurs. Il est bon pour les
lecteurs de la Bible de confronter les difficultés rencontrées dans le
texte original du Nouveau Testament, même lorsqu’ils prient la prière
que Jésus a enseignée à ses disciples. En modifiant ce texte et d’autres,
nous pourrions découvrir, à long terme, que nous ne rendons pas
service aux intentions des auteurs bibliques.
La Bible est pleine de paradoxes, de langage figuré, d’imageries
difficiles. Adoucir un tel langage pourrait saper son pouvoir littéraire et,
même, spirituel. La nouvelle traduction subvertit cela. Le texte original
parle clairement de Dieu qui soumet à la tentation, et non seulement
qui permet la tentation.
Nous devrions traduire les textes avec précision et leur laisser leurs
ambiguïtés telles quelles, même si on peut comprendre pourquoi le
Pape, les pasteurs et les gens veulent préciser certaines choses.
Je suis heureux que, pour le moment, la version anglaise du Lord’s
Prayer demeure avec la traduction littéralement correcte « ne nous
soumets pas à la tentation ». Toutefois, quand je prierai en français, je
vais utiliser la nouvelle formulation.
Terrence Prendergast est archevêque d’Ottawa et évêque d’Alexandria-
Cornwall